La salle s'est un peu vidée, on commence à se sentir respirer un peu plus. Une ambiance calme s'installe peu à peu dans le café. Les discussions ont baissées de volume et Zoé s'est plongée dans la mise à jour de notre blog de voyage. Craig et son ami viennent de nous laisser pour retourner à leur travail et moi je me plonge dans l'écriture de ce qui sera le dernier article de la partie américaine de ce voyage. Nous sommes le 16 décembre 2015 et cela fait bientôt trois mois que nous voyageons aux États-Unis. Dans quelques heures nous prendrons un bus pour Vancouver et changerons de pays pour la première fois depuis notre départ. Nous avons hâte de nous retrouver au Canada et de prendre un peu de repos à l'occasion des fêtes de fin d'année. Je ne cacherai pas que ça va nous faire du bien car on commence à ne pas trop récupérer de la fatigue. Changer de maison tous les trois jours et rencontrer des nouvelles têtes en permanence est génial et en même temps éprouvant. Je pense qu'on dressera un petit bilan de nos expériences aux États-Unis dans un article commun spécialement consacré à ce sujet - car mine de rien, on en a des choses à dire au bout de tout ce temps de vie avec des américains. Cette article, bien qu'ayant des airs de fin, fera donc la narration de cette dernière semaine comme à l'accoutumée. 
Zoé a fait un peu de teasing sur notre bref, mais intense, passage à Portland dans son dernier article. C'est donc là que je vais reprendre. Portland est la capitale de l'Oregon. Et je n'aurai qu'une chose à dire : N'allez jamais à Portland. Ne prononcer même pas le mot Portland. Portland n'est pas une ville, non! Je sais que certain pense que j'ai une tendance certaine à l'exagération dans mes écrits et que j'ai souvent la manie de grossir les traits afin de créer un peu d'humour et d'intérêt pour certaines choses. Ce n'est pas le cas ici. Ce lieu est aux mains de trois types de populations dont la fragile coexistence n'existe que par le fruit de la légalisation de la marijuana dans l'État de l'Oregon. Clochards qui vivent dans des tentes sur les trottoirs, les places publiques et les bords de routes et hantent les allées et ruelles, Hipster qui vampirisent diverses cultures pour en créer un mix infâme et enfin les "biens pensants" qui prétendent que Portland est un foyer culturel et culinaire supérieur au reste du pays et jugent d'un air hautain tous ceux qui se présentent sous leurs yeux. A partir de ce jour, je fais le serment de décourager toutes personnes qui souhaiteraient visiter ce lieu.
 

Mais comprenez moi bien, si Portland est un bouge infâme où personne ne devrait jamais aller, l'Oregon est un état fantastique qui mérite d'être visité. La chaine des Cascades Mountains où se trouve Hood River - spot bien connu des amateur de voile - et les différentes randonnées et cascades qui s'offrent aux promeneurs aventureux. Tout ça vaut le coup d'être vu. Du moment que vous ne passez pas par Portland.
 

Seattle dans l'État de Washington est une ville bien différente. Zoé et moi avons prit beaucoup de plaisir à nous y balader et à en faire la découverte. Et notre hôte, Drew, a été pour une grande part dans l'appréciation de cette ville. Vous avez vu ce que je viens de faire... Je viens de carrément occulter une partie de notre séjour... Intéressant, non? 

Voyons un peu les choses en des termes plus généraux. Pourquoi parois le Couchsurfing s'avère être une expérience géniale et pourquoi parfois la mayonnaise ne prend pas - et vais-je réussir à faire quelque chose à partir de cette métaphore de mayonnaise. Alors tout d'abord ce n'est pas une question de couchage. On peut dormir sur un canapé, un matelas "dégonflable" qui vous rapproche du sol au fur et à mesure de la nuit, un matelas avec du moisi, une cabine de camion et j'en passe; et pourtant passer un bien meilleur moment que si on dormait dans un bon lit. Même si un bon lit, des fois, c'est bien aussi. Ce n'est pas lié qu'à la propreté, même si ça aide beaucoup. Zoé sera particulièrement d'accord avec moi sur ce point. Et ça n'est pas lié non plus à la qualité de la cuisine qu'on peut, ou non, vous servir. En fait, je crois pouvoir me risquer à dire que ça n'a rien de matériel. Ce qui fait la qualité d'un Couchsurfing, c'est quand l'oeuf et la moutard sont à la même température... Non, ça c'est la mayonnaise... Mais c'est pareil. Ce qui fait que ça marche, c'est quand on trouve le point commun - les points communs - qui nous réunissent. Sinon, ça reste deux matières jaune qui flottent sans attache dans un bol d'huile. 

Alors voilà, chez Drew, on a dormi par terre, il faisait froid - particulièrement dans la salle de bain - mais tant pis. On a passé un moment fantastique avec lui parce qu'il était drôle et chaleureux et qu'on se reliait par des choses en commun qui dépassait nos différences. Oui, c'est vrai le fait qu'on ait regardé les épisodes 5 et 6 de Star Wars ensemble a joué. C'est vrai... Mais ce n'est pas que ça. Des fois quand on est chez les gens pour vivre avec eux pendant quelques temps on se pose beaucoup de questions telles que : Est-ce que ça va déranger si on fait ci ou mi? Est-ce qu'on rentre trop tôt? Est-ce qu'on rentre trop tard? Es-ce qu'on mange ensemble? Est-ce qu'il veut qu'on se voit? Est-ce qu'il préfère être seul? Est-ce qu'il est enfermé dans sa chambre parce qu'il ne veut pas nous voir? Est-ce qu'on gène? Est-ce qu'on sort? Est-ce qu'on fuit??? Beaucoup de questions... Alors quand on tombe chez des gens, et on a eu la chance d'en rencontrer un grand nombre, chez qui ces questions ne se posent pas. Eh bien, c'est reposant.
 

Je vous ai tous découragé de voir Portland, je vais maintenant vous recommander chaleureusement de venir faire un tour à Seattle. Petit ville portuaire à proximité de la frontière avec le Canada, elle est connue notamment pour sa Space Needle et le Farmers Market où nous avons passé beaucoup de temps à tester des spécialités en mangeant directement dans les échoppes. A l'hiver, l'ambiance y est calme et chaleureuse bien que les températures y soient très froides. On peut y voir une curiosité bien sale qui consiste en un mur de briques où y est collé des centaines de chewing gums. C'est bizarre, coloré et un peu dégueulasse quand on imagine le mix de salive humaine sur ce mur. 

On a participé à une nouvelle parade, après la parade d'Halloween à Maryville, la Gay Pride à Atlanta, on s'est retrouvé embarqué sur un bateau moyennement décoré de guirlandes de couleurs pour la parade de Noël sur le lac. Drew étant membre du club de voile de l'Université, il a arrangé le bazar pour qu'on monte sur le bateau avec lui et son copain et qu'on participe à cette parade sur le lac. On s'est donc retrouvé tous les quatre sur ce voilier, sous les ordres de "Captain Grumpy" à se les geler comme jamais en naviguant au moteur pour rester au rythme de la parade. Si vous croyez qu'on ne peut pas avoir de vagues qui passent par-dessus les gardes corps sur un lac, vous avez tort. Et il faut être honnête, se trouver sur le bateau - le plus à la traine du groupe - n'est pas le meilleur moyen de profiter d'une parade. Au bout d'une heure et demi à essayer de se réchauffer au chocolat et à trembler de tous nos membres, l'annonce d'une tempête en approche à eu raison de ce défilé aquatique. Tout le monde à décidé de plier les gaules et de se diriger vers son port d'attache. Papa, Jean, Greg, je pense que vous serez d'accord avec moi pour dire que vingt minutes pour amarrer un voilier c'est beaucoup trop long et qu'avoir besoin de cinq personnes pour assister à la manoeuvre, c'est de l'amateurisme. Mais bref, "Captain Grumpy" étant par définition... "Grumpy", on s'est gardé de toutes réflexions et avons juste attendu qu'il finisse l'amarrage le plus long du monde. Alors oui, il y avait du vent, mais les voiles était pliées et on était au moteur et peut-être qu'il y avait du courant - mais vu qu'on était sur un lac, je doute un peu de la force de celui-ci - mais je pense que présenter le bateau à angle droit avec le ponton d'amarrage était de base une belle bêtise...
 

Bref, le bilan de cette soirée est que bien que gelé, on avait bien rigolé et ce n'était rien qu'un film dans le canapé sous une couverture ne pouvait soigner. Comme je l'ai dit précédemment, nos journées avec Zoé à Seattle ont majoritairement été occupées par la balade sur le front de mer, dans downtown et le Pine Pike Market - ce dernier notamment à cause d'un magasin de comics et merchandising où nous avons passé des heures. La soirée suivant celle de la parade fut bien plus cozzy, puisque nous l'avons passée avec Drew à nous défier sur différents jeux vidéos sur sa Wii U. Encore une fois Zoé et moi y avons pris beaucoup de plaisir. ça peut sembler bête, mais parfois au cours d'un voyage autour du monde, lorsqu'il fait froid et qu'il pleut dehors, la seule envie qu'on a est de rester enfermé au chaud à jouer à la console en mangeant des bonbons. Eh oui, c'est comme ça.

Hier nous avons pris la décision de passer notre dernière soirée aux États-Unis en en profitant pour se retrouver un peu tous les deux. Nous avons donc choisi un bon hôtel dans le centre et en avons profité pour s'ouvrir une bonne bouteille de vin blanc - un Southern Right, un sauvignon blanc venu d'Afrique du sud (très bon) - et manger du chocolat artisanal fabriqué à Seattle. Dans la soirée nous somme sortis en amoureux pour nous faire un restaurant dans le centre. Bref, un moment romantique et intime tel qu'on a trop peu eu l'occasion d'en passer depuis le début de ce voyage. 
Les voyages forment la jeunesse et les couples, nous a-t-on dit avant de partir. C'est vrai, on passe tout notre temps ensemble, on vit tout ensemble. Les bonnes choses comme les galères. Les Seattle comme les Portland. Et c'est la manière dont on réagit face à tout ça qui nous rapproche - alors que ça éloignerait certain. On a traversé d'Est en Ouest ce continent main dans la main et bientôt, ensemble, nous allons changer de pays. Notre voyage continue, même si une grande étape semble validée, nous n'en sommes encore qu'au début. On va continuer notre route vers l'ouest, bien que pour le moment elle semble aller vers le nord. Un de nos hôtes en couchsurfing a un jour laissé un commentaire sur nous après notre passage - très gentil d'ailleurs - dans lequel il posait la question de ce que l'ouest veut dire pour nous. Vous l'aurez sûrement remarqué sur notre blog, notre voyage s'intitule "Journey to the West". S'il s'agissait de l'Ouest en tant que direction cardinale, cette phrase serait grammaticalement fausse et ce pour deux raisons. Tout d'abord le "to" implique un lieu d'arrivée et deuxièmement le "the" implique qu'il s'agit de quelque chose unique et défini. Le titre de ce voyage est une référence directe à une légende chinoise, intitulée en français "la pérégrination vers l'ouest" ou "le voyage en occident" et en anglais "Journey to the West", le titre anglais nous a semblé le plus juste car il implique une quête vers un idéal. Dans le récit, un moine bouddhiste aidé d'un jeune singe né d'une pierre, baptisé Sun Wukong (Toryama l'a transformé en Son Goku), et de deux autres démons en quête de rédemption, voyagent vers l'occident. Le récit ne fait que très peu de cas de la finalité de ce voyage et s'axe davantage sur l'aspect quête initiatique. Pour nous, c'est un peu notre manière de percevoir ce voyage. L'ouest est la direction que l'on empreinte et ce faisant on gagne quelque chose à faire ce chemin. On évolue, on s'enrichit de nos rencontres, on gagne de l'expérience. 

Voilà, j'espère que tout ça fera sens pour vous. Je pense que la clôture d'une étape était le bon moment pour apporter cet éclaircissement. Au passage, je vous recommande la lecture de cet ouvrage. Si jamais quelqu'un se pose la question parmis vous... Je ne le possède qu'en version digitale sur ma liseuse car l'édition française en deux volumes coûte très cher... Mais c'est vrai que c'est un beau cadeau... 

Mon prochain article sera après Noël, donc par avance, je vous souhaite à tous un Joyeux Noël et de bonnes fêtes.

Seb