Avant propos : 
Apparemment dans l'esprit collectif, la Nouvelle-Zélande est un peu le synonyme de Seigneur des Anneaux, très bien... ça me va. En plus, je suis en train de lire les Chroniques du tueur de roi, alors ce genre de temporalité me va parfaitement. Aujourd'hui donc, numéro spécial des aventures de Zoé et Seb dans la terre du milieu. Bienvenu au temps des Orcs, des géants de pierre et des Draccus pour un récit épique. 

Citation : 

It is not what we say or think that define us. 
It is what we do. 
Jane Austen 

Générique de début : 

Tatatatata dindindin Tintin 

Et c'est parti : 

... Le tonnerre gronda soudain, amplifié par l'écho des montagnes environnantes. Le vent s'engouffra dans l'auberge faisant claquer une fenêtre. Des trombes d'eau se déversèrent par l'ouverture le temps que la serveuse la plus proche n'ait le temps de la refermer. Zoé et moi nous regardîmes, ce n'était pas le moment de mettre le nez dehors. Pourtant, nous n'avions rien trouvé pour nous abriter pour la soirée. Nous avions fait le tour de toutes les auberges de la ville et toutes nous avaient répondu : "Ah ah ah! Pour la nuit même? Mais vous êtes fous. Il faut au moins réserver une semaine à l'avance ici. Vous êtes dans le coeur la cité la plus visitée de Nouvelle-Zélande." 
- Oui, on sait bien messieurs, dames, et c'est bien ça le problème. Mais nous, on improvise notre route au fur et à mesure. Ce matin même nous n'étions pas certain de vouloir venir à Queenstown. 
- D'ici trois jours vous pourrez avoir un lit en dortoir de douze pour deux Jots de cuivre chacun.
- Oui, mais nous dans trois jours, on sera ailleurs. C'est cette nuit qui nous préoccupe. 

Mais cette question ne préoccupait bien que nous. La serveuse arriva à notre table arborant un sourire perplexe. On devinait à sa mine que ce qu'elle allait nous dire ne réjouirait aucun des participants à cette discussion. 
- Salut les gars. Dites-moi, vous comptez manger ici ce soir? 
On échangea un regard entendu avec Zoé. Non, nous n'avions pas l'intention de manger dans cette endroit. Les plats y étaient beaucoup trop chers pour notre bourse et il nous restait un morceau de pain et de la chair de saumon fumé que nous avions acheté dans un relai de voyageurs sur la route. Mais nous savions ce que la réponse par la négative allait engendrer pour nous. Dans le hall de l'auberge, les clients commençaient à s'entasser. Probablement des bons payeurs, aux vues de leurs vêtements propres et élégants. Ils avaient besoin de tables pour assoir ces nouveaux clients bien plus prometteurs pour leurs comptes que deux voyageurs avec leurs sacs à dos. 
- Non, on ne comptait pas manger ici ce soir. 
- Je suis désolé de vous demander ça, mais... Une fois que vous aurez fini vos verres... Est-ce que vous pourrez libérer la table? On... 
- On comprend! Dis-je en la coupant pour lui éviter l'embarras de finir ses explications. J'avais vu le patron, derrière son comptoir, la missionner pour cette sale besogne, ne voulant l'assumer lui-même. Nous vidâmes nos verres d'un trait et attrapâmes nos affaires. 
- Revenez nous voir! Nous lança le patron alors que nous allions franchir le pas de la porte. Et bonne soirée à vous! 
Nous ne primes même pas la peine de relever ce commentaire plein de mauvaise foie et sortîmes pour de bon de cette auberge. Il fallut moins de trente secondes dehors pour que nous nous retrouvâmes trempé jusqu'à l'os. Il ne nous restait plus qu'une seule option pour cette nuit... Planter la tente. Mais pour cela, il fallait un terrain autorisé où établir notre camp si nous ne voulions pas nous faire jeter par la milice urbaine et par conséquent : payant. C'est ainsi que nous arrivâmes au Lakeview Holiday Park, le dernier lieu de la ville où nous aurions l'opportunité de nous loger. Le tenancier souria à notre adresse lorsque nous entrâmes dans son bureau. 
- En quoi puis-je vous aider? 
- Nous cherchons un endroit pour la nuit. 
- On n'a plus rien de libre, mais je vois que vous avez une tente entre les mains. Je peux vous proposer un emplacement pour planter votre tente pour la nuit. Il reste une place sur notre pelouse si cela vous va. 
- On devra se contenter de ça je crois. 
- Combien de temps comptez-vous rester? 
- Une nuit seulement. 
- Parfait! Cela fera donc deux jots et un drab pour la nuit. 
- Euh... mais on n'a pas besoin d'une tente en fait... On veut juste un peu de place pour planter la notre. 
- Ahah, excellent. Mais non, c'est bien le prix de notre emplacement pour la nuit. 
C'était un drab de plus que ce que nous avait coûté deux lits dans la maison de mamie Marj, mais c'était notre dernière option. 
- Très bien, on n'a pas vraiment le choix. Et puis j'imagine que vous avez des douches chaudes sur les lieux. 
- Oui, tout à fait monsieur. Pour seulement un sou d'étain vous avez le droit à cinq minutes d'eau chaude. 
- On doit payer pour la douche en plus??? 

Dix minutes plus tard, nous nous retrouvions à monter la tente sous une pluie battante et un vent violent sur un carré de terre dure au milieu de trois cent cinquante autres campeurs. Un calcul rapide nous permis d'établir que ce champs d'herbes mortes leur rapportait plus en une nuit que nous n'avions d'argent pour l'un de nous deux pour une année complète de voyage. Aussi cela nous sembla d'une disproportion accablante. Ce soir là, une fois la tente montée, nous entrâmes à l'intérieur, machâmes notre pain et notre morceau de saumon avant de nous blottir dans nos duvets pour ne plus ressortir. La pluie ne s'arrêta pas de tomber de la nuit et par trois fois nous crûmes que la tente elle-même allait s'envoler à cause du vent. Il faisait bien trop froid pour que nous songeâmes à un seul instant à enlever nos vêtements pour dormir. Mais grâce à nos toiles de soie et aux duvets nous réussîmes à tenir la nuit. 

Au matin, nous nous réveillâmes péniblement alors que la pluie tombait toujours. Cette nuit de sommeil ne nous avait pas été très bénéfique. Nous avions nos courbatures de la veille et le fait d'avoir dormi à même le sol en avait créé de nouvelles. Nous n'avions ce matin là rien à manger dans nos sacs. Nous repliâmes donc notre tente - sous la pluie - le ventre vide. Nous descendîmes en ville et sacrifiâmes trois drabs pour un café, un thé et deux pâtisseries de la veille. Après cette maigre collation nous primes le chemin longeant le lac pour une marche de six kilomètres nous conduisant aux limites de la ville. Là nous espérions attirer l'attention de conducteurs de carrioles ou de chars et que l'un d'eux nous offrirait de partager la route avec lui. Nous avions ce jour-là dans l'idée de nous rendre au petit village de Cromwell. Les activités des cités étant hors de portée de notre bourse, nous devions tenter notre chance ailleurs. Tandis que nous marchions, le vent toujours soufflant chassa les nuages pour faire place à un soleil radieux. Nous fîmes halte un instant pour sécher nos vêtements et aérer un peu notre tente afin que la toile - repliée humide - ne pourrisse pas. 

Arrivant à la sortie de la cité de Queenstown, nous trouvâmes deux duos de voyageurs qui avaient eu la même idée que nous et faisaient du pouce le long de la route. Nous échangeâmes quelques politesses et applicâmes le code officieux en rigueur dans ce genre de cas. Nous nous dévêtîmes de nos sacs et attendîmes sur le bas coté qu'ils furent pris pour tenter notre chance à notre tour. Il est important de maintenir courtoisie et civilité entre voyageurs car on ne sait jamais, lorsqu'on se retrouvera dans le besoin, si ce ne seront pas les mêmes têtes qui surgiront pour répondre à notre appel à l'aide. Les deux premiers voyageurs venaient de la terre de Germanie, ils attendaient déjà depuis une heure d'être pris. Ce détail n'augurait rien de bon pour la suite. Les deux autres venaient de contrées plus froides encore au nord du continent Européen. 

Cette route était très fréquentée et la chance semblait vouloir nous sourire ce jour là car peu de temps après notre arrivée les deux Germains furent pris, suivit à cinq minutes des Nordiques et nous dûmes n'attendre que dix minutes à notre tour pour qu'une charrette légère s'arrête pour nous. Dave, le conducteur, nous fit signe de grimper à bord. Aussi après avoir jeter nos bagages à l'arrière, il reprit la route avec nous. 
- Où allez-vous comme ça tous les deux? 
- Nous cherchons à nous rendre dans la bonne ville de Cromwell. 
- Eh bien, je ne qualifierai pas ce hameau de bonne ville, mais c'est là où je comptais faire halte moi-même. Je peux vous y conduire sans encombre, ça c'est sur. Vous voyagez à travers le pays? 
- Tout à fait mon seigneur, nous voyageons à travers le pays et le monde en quête d'inspiration artistique et d'histoires de voyage à conter. 
- Ah des artistes! C'est un plaisir pour moi de partager la route avec vous. Je suis quant à moi acquéreur et administrateur de biens pour des tiers personnes. Je me ferai une joie de vous conter les histoires des terres que nous allons traverser en route si vous me contez certaines de vos aventures.

Ainsi sur la route de Cromwell nous lui fîmes récit de notre traversée du continent nord Américain et de notre boucle dans les terres Australiennes. Comme promis, il nous conta en échange l'histoire de notre environnement de voyage. 
- Après la colonisation Britannique, des travailleurs chinois vinrent à l'époque de la ruée vers l'or pour faire fortune. Le gouvernement de l'époque les traitait durement et leur faisait payer cher le droit de travailler sur ces terres. Nombre d'entre eux moururent ici sans même pouvoir rentrer chez eux. Ils ont montés de nombreux forage et de moyen d'extraire de l'or de ces montagnes, ils envoyaient la plus grosse partie de l'argent qui ne leur était pas taxée chez eux pour faire vivre leurs familles restées au pays. Le gouvernement de Nouvelle-Zélande a fait des excuses publiques envers la Chine il y a quelques années pour cette période de notre histoire. Après la quête de l'or, ces terres ont été cultivées. On y a fait pousser des fruits. Des abricots, des pommes, des poires. Mais depuis quelques années, un marché plus rentable se trouve maintenant ici. Vous vous trouvez dans la région des vignobles qui a attiré l'oeil du monde sur la production viticole Néo-zélandaise. Ici se trouve le meilleur pinot noir du pays. Je me souviens gamin, venir ici avec mes parents pour acheter des fruits dans cette petite ferme que vous voyez maintenant à flanc de la montagne et maintenant, c'est ici que je viens acheter mon vin. Il resta à contempler quelques instants le paysage avant de reprendre. Nous voilà bientôt arrivé dans la ville de Cromwell. Je vais vous conduire dans les vestiges de la vieille ville. Ce que l'on appelle Cromwell aujourd'hui, n'est pas la ville que j'ai connu enfant. La vraie ville se trouve maintenant sous le lac, elle fut ensevelie par les eaux lorsqu'ils construirent le barrage de Clyde. Ce qu'on appelle aujourd'hui la vieille ville est un groupe de bâtiments historiques qui furent déplacés avant le début des travaux et montés plus dans les hauteurs pour les sauver des flots. La nouvelle ville s'est érigée en partant de là. 

Arrivé dans la vieille ville, nous fumes immédiatement charmé par le caractère rustique de celle-ci, tant et si bien que nous décidâmes d'y passer les deux nuits à venir. Nous trouvâmes un logement à un prix raisonnable dans l'auberge Victoria Arms après une négociation rapide avec le couple de propriétaire. C'était leur dernière chambre de libre, elle était loin d'être la plus belle, elle n'avait pas de fenêtre sur l'extérieur, une tache sur la moquette d'un liquide inconnu restait continuellement humide et grasse, mais s'avéra suffisamment confortable pour notre séjour. Comme le temps était encore clément, nous n'avions pas envie de passer la soirée dans la salle sombre de l'auberge - du moins pas le début - aussi nous achetâmes à l'aubergiste un poulet rôti, des tomates et des carottes, de petites miches de pains, des pommes de terre chips, un morceau de chocolat et une flasque d'eau, le tout pour un prix fort honnête. Nous nous rendîmes sur les bords du lac pour notre collation. Nous retirâmes nos bottes, afin d'aérer nos pieds las. Assis dans l'herbe sur nos écharpes tunisiennes, nous profitâmes de ce bon dîner improvisé. 

A la tombée de la nuit, nous rentrâmes à l'auberge. Entrant dans la salle, l'aubergiste nous tira deux chopes de bière qu'il nous offrit sur le compte de la maison à condition qu'on participe à l'animation de la soirée avec nos histoires. Nous nous installâmes donc au comptoir le temps de boire nos chopes et d'analyser un peu l'ambiance de la salle. Une petite scène était installée dans un coin où se succédaient les clients pour y chanter des chansons. Tout le village devait se trouver là ce soir et vu que les patrons anticipaient toutes leurs commandes cela devait être coutume. Lui, utilisait ce vieux tour que la plupart des patrons d'établissement dans ce genre utilise pour donner l'impression aux clients qu'ils boivent avec eux, alors qu'en réalité ils ne consomment pas la moindre goute d'alcool de la soirée. Au dessus du bar, dissimulées au yeux des clients, une dizaine de bouteilles d'alcool fort étaient accrochées la tête en bas - avec un bouchon à déversoir - et parmi ces bouteilles se trouvait une contenant un sirop de pêche très concentré et dont la couleur rappelait le bourbon. Il en versait un fond dans sa chope, puis parmi les tireuses à bière il avait dissimulé une pompe à soda dont il se servait pour remplir le reste. L'ensemble donnait l'impression qu'il consommait de la bière avec ses clients toute la soirée. Alors que la nuit avançait, nous continuâmes de l'observer de loin. La fatigue faisant, un boitement apparu dans sa démarche, au niveau de la hanche, donnant de la raideur à sa jambe. A observer la forme de sa musculature, on pouvait lui deviner une carrière dans le rugby stoppée suite à un accident. Nous n'eûmes confirmation de cette théorie que lors de la soirée du lendemain, lorsque nous primes le temps de lui poser la question. 

La journée du lendemain fut pour nous consacrée à l'exploration de la partie non-submergée de la vieille ville de Cromwell, suivi d'une marche tranquille dans les vignobles. L'ensemble avait pour but d'engendrer un peu de repos et de détente puisque nous n'étions pas resté plus d'une nuit au même endroit depuis notre départ de Christchurch. Mais le soleil qui frappait fort ce jour là, mêlé au vent d'une extrême froideur, nous provoqua un mal de crane et d'étrange poussée de sueur. 

Ainsi c'est avec le corps dans un étrange état que nous reprîmes la route le surlendemain. Heureusement pour nous, nous n'eûmes pas à attendre bien longtemps pour qu'un couple de voyageurs s'arrête sur le bord de la route pour nous proposer de partager le trajet avec eux. 
- On est en route pour le lac Wanaka, nous dit-elle, il y a là-bas un rassemblement des métiers de la terre et cela peut présenter de bonnes opportunités pour nous. Et vous, qu'allez-vous faire dans le coin? 
- Nous sommes pour notre part des voyageurs et notre seul intérêt à Wanaka se trouve être le lac lui-même. 
- C'est une très bonne idée, mais n'espérez pas vous loger en ville pour la nuit. Tout doit etre déjà plein à cause du rassemblement. 
- Eh bien, nous utiliserons notre tente j'imagine. Vous savez s'il y a des endroits où on pourrait s'installer sans avoir à crever notre bourse? 
- Je peux vous montrer ça sur la carte, mais le seul moyen d'y accéder est par une marche de trois heures dans les collines et à travers la sticky forest. 
- ça nous va. Et pour vous, vous avez prévu des logements pour la nuit. 
- Non, on fait l'aller retour dans la journée. On habite à Queenstown... Enfin... Elle marqua une longue pause comme si elle hésitait à continuer. Enfin, pour l'instant on habite à Queenstown. Mais toute la ville semble devenue folle depuis un an et demi que le nombre de visiteurs a augmenté. Notre logement nous coûte 5 talents la semaine, au mois cela engloutie les deux tiers de nos revenus communs. En plus toutes les habitations sont pourvues d'un vitrage fin et construites sans briques à cause des tremblements de terre. La politique de la ville est de construire uniquement avec des matériaux dont les débris seront faciles à évacuer. Du coup, l'hiver y est très froid à l'intérieur. Et pourtant, je suis à l'origine de la région d'Ontario, alors le froid, je connais. 
- Vous travaillez tous les deux dans l'agriculture? 
- Oui, enfin... A la base j'ai étudié l'océanologie à l'université, jusqu'au grade de Docteur. Je suis venue en Australie il y a quatre ans, ils n'avaient pas de travail pour moi. Alors je suis devenue serveuse pour payer mes voyages. Il y a deux ans, j'ai déménagé ici et j'ai rencontré Joan, qui lui est Kiwi. On aimerait bien partir au Canada, mais pour ça on a besoin d'argent... Et c'est difficile pour nous d'économiser quand tout part dans la nourriture et le logement, et ça pourtant sans faire d'éxces. 

Elle poussa un long soupir à la fin de son explication. Et afficha tout de même un sourire sur son visage, l'air de dire que ce n'était pas si pire. Le reste du trajet s'effectua dans le silence. Arrivant à Wanaka, elle nous pointa sur une carte notre position et le lieu du campement. Comme nous avions fait quelques provisions de fruits secs et de biscuits de voyage le matin à l'auberge, nous décidâmes de prendre la route au plus tôt après qu'ils nous aient débarqué. La ville de Wanaka n'avait rien à nous offrir que nous ne puissions vouloir, aussi nous préférions aller découvrir les charmes sauvages de son lac. La nourriture du soir ne devait pas être un problème pour nous non plus, puisqu'on nous avait renseigné sur une taverne à moins d'une heure de notre lieu de camp pour la nuit. Le soleil était déjà haut dans le ciel lorsque nous commençâmes notre marche. Les premiers kilomètres passaient à travers des collines affleurant la ville. Montant et descendant, bien vite nous nous retrouvâmes en nage. Nous fîmes une bref halte à l'entrée de la Sticky forest. Nous étions au tiers de notre route. Après les traversée des bois, il nous resterait un chemin de basse montagne longeant les rives du lac. Lors de notre halte, nous fîmes la rencontre avec un homme, trop ivre pour cette heure de la journée, qui tint absolument à nous raconter l'histoire de son ascension d'une montagne de Nouvelle-Zélande dont - après vérification - le nom ne se trouvait sur aucune carte. Mieux encore, à l'emplacement qu'il nous eut décrit n'était sensée se trouver que de la lande plate et déserte. Mais peut être ce jour là était-il saoul comme le jour de notre rencontre et hallucina-t-il sa balade. 

Faute d'une bonne carte, nous nous perdîmes dans les sentiers de la Sticky forest et rallongeâmes notre itinéraire d'une bonne heure de marche. Aussi lorsque nous arrivâmes à notre lieu de campement, après plus de quatre heures de marche avec nos sacs sur le dos et notre tente à la main, nous étions à bout de force. Nous trouvâmes tout de même le courage de dresser notre campement entre des arbres pour nous protéger du vent et d'alléger nos bagages pour une marche jusqu'à la taverne pour nous sustenter. Cette dernière marche le long de la rivière finit d'épuiser nos réserves et éroda une partie de notre moral. Aussi à cet instant nous en attendions beaucoup de la taverne que nous devions trouver à Alberton. Mais voilà, la Wild Buck taverne se révéla être d'un piètre réconfort. On nous révéla tout d'abord que les stocks étaient pratiquement vides et que seuls les plats du jour étaient disponibles. Mais étant affamé et pas très compliqué de nature cela aurait du nous aller. Cependant, il leur fallu plus de deux heures pour nous servir nos deux assiettes de plats, soi-disant du jour, qui avaient clairement juste été réchauffées cinq minutes avant de nous être servies. La viande et les légumes étaient déssechés et sans saveurs et le tout nous avait coûté plus de deux jots. Ce n'est donc pas les estomacs bien remplis, mais avec quelques aigreurs, que nous primes le chemin du retour en se rappelant la cuisine de tante Catherine ou celle que nous nous faisions lors de notre pérégrination en Australie. 

Mais bien déterminé à trouver un moyen de remonter nos humeurs, nous décidâmes d'une halte tranquille au bord de la rivière alors que la nuit tombait. L'eau était d'une clarté cristalline et l'idée d'un bon bain nous sembla parfaite. Personne ne devait fréquenter ces chemins à cette heure du soir, aussi rien ne semblait s'opposer à l'exécution de ce plan. Nous laissâmes nos affaires sur un gros rocher plat et allâmes nager dans l'eau fraiche. La température de l'eau étant qualifiable comme : vivifiante, ce petit bain resta de courte durée, mais des plus agréable. Encore mouillés, nous nous habillâmes rapidement et rentrâmes à notre camp. Nous arrivâmes secs à notre tente et passâmes une nuit semi-confortable sur le sol. Au matin, nous reprîmes notre marche jusqu'au lac Hawea où nous eûmes la surprise de trouver un excellent petit déjeuner. 
Il était déjà tard lorsque nous nous mimes sur le bord de la route pour tendre le pouce. Mais une fois de plus notre chance avec les voyageurs nous sourit. Ce fut cette fois une jeune femme venue de la province de Québec qui s'arrêta pour partager la route. Elle se révéla passionnante dans sa discussion et son mode de vie eu pour effet de provoquer notre admiration à son égard et une certaine envie. Elle travaillait dans le grand nord, dans un minuscule village peuplé d'Inuits. Les conditions de vie y étaient dures et bien conscient de ça son gouvernement lui offrait un mois de vacances tous les deux mois travaillés. A chacun de ses mois, elle visitait un nouveau pays et pendant ses deux autres mois de travail au dispensaire, elle préparait le prochain voyage. Elle faisait ça depuis cinq ans, vivait seule, voyageait seule et ce mode de vie lui convenait parfaitement.  

Arrivés à la ville d'Haast, elle marqua un arrêt. Elle annonça qu'elle était trop fatiguée pour continuer à conduire, mais que sa destination pour la journée était Fox Glacier. Elle nous proposa donc de prendre les rênes pour conduire jusque là-bas, ou bien de nous arrêter ici pour la nuit. La ville d'Haast n'offrait de distraction d'aucune sorte, ni de véritable lieu pour établir notre campement. De plus sa proximité avec la mer faisait que des nuées de Sandflies infestaient la région. Véritable fléau de la cote ouest, ces bestioles vous arrachaient des petits morceaux de peau pour vous laisser avec d'horribles démangeaisons. La décision de continuer le chemin fut donc des plus facile à prendre et notre hôte de voyage en fut ravie. Je pris donc les rênes jusqu'à la ville du glacier. Là nous trouvâmes une nouvelle auberge proposant des logements confortables à des prix acceptables. Nous partageâmes tous les trois le souper et nous souhaitâmes la bonne nuit. 

Le jour d'après, nous marchâmes afin de voir le glacier de Fox, mais ce dernier se révéla en bien piètre état. En effet, il avait perdu les deux tiers de sa masse sur ces six dernières années. Si son exploitation par la ville et les conditions écologiques et climatiques qui avaient conduit à ce résultat ne changeaient pas, ce dernier n'existerait plus d'ici quatre années. Sur ce triste constat nous entreprîmes la marche du retour. Nous arrivâmes aux abords de la ville alors que la nuit était tombée depuis plusieurs heures déjà. Notre seule lampe à sympathisme - un peu vieille, je dois bien l'admettre - nous éclairait de sa pale lueur rouge. Nous espérions ne pas trouver la porte de notre auberge close ou alors si s'eut été le cas qu'il aurait placé un garde en faction à l'entrée afin de permettre aux voyageurs tel que nous, se présentant aux heures tardives, l'accès à leur logement. Le chemin faisait maintenant un détour dans l'épaisse foret humide avant d'arriver à l'entrée même de la ville. Nous faisions route depuis le glacier et il nous tardait d'arriver pour réchauffer nos os au coin du feu, nos ventres avec une pièce de viande et nos coeurs avec une bonne bière brassée. Aussi ce dernier détour nous apparaissait comme l'ultime obstacle à notre bonheur. Nous savions que nombre de légendes couraient sur cette portion de foret en altitude. Notre lampe à sympathisme commença à grésiller alors que nous pénétrâmes entre les arbres. L'air était épais, humide et chaud. Une odeur suave de sève parcourut nos narines. Arpenter ce chemin devait nous prendre une demi heure tout au plus. Une demi heure et nous serions au chaud... 

C'est à cet instant que notre lampe décida de nous jouer un tour des plus désagréable. Elle se mit à irradier d'une lumière crue aussi vive que l'éclair, avant d'émettre un claquement sourd et de s'éteindre pour de bon en fumant. Nos yeux furent aveugles quelques minutes. Mais alors que nous retrouvions la vue, un spectacle des plus sensationnel se dessina devant nous. Dissimulés dans la végétation des centaines de vers luisants constellaient l'environnement forestier. Nous restâmes à contempler ce magnifique spectacle en silence. La nature nous montrait elle même le chemin à travers les bois. Alors que nous avançions à travers cet espace de verdure éclairé de la manière la plus poétique qui soit, un craquement de branche retenti dans la foret. Quel monstre terrible allait surgir de ces bois maudits? 
En réalité, aucun! 
Il ne s'agissait en fait que d'autres voyageurs venus admirer le spectacle des lucioles. 

Après cette marche féérique, nous décidâmes d'aller nous restaurer dans l'une des trois tavernes - fox glacier est un endroit minuscule - de la ville. Assis à notre table, eu lieu lors de ce repas une longue discussion qui partie d'une réflexion sur le beurre. Suite à nos nombreux précédents repas et nos discussions avec locaux et voyageurs, nous pouvions désormais tenter de mettre le doigt sur ce qui nous posait soucis ici. La clé de voute de ce raisonnement fut le beurre, ou plutôt l'absence de beurre. Cette théorie devait se confirmer par nos rencontres du lendemain et de notre dernier trajet pour quitter l'ile du sud, car en vérité c'était un problème gastronomique étendu. 

Les jours suivants furent bien moins cléments en terme de temps. La pluie nous réveilla ce mardi matin et resta avec nous sur toute la route jusqu'à notre arrivée deux jours plus tard à Nelson. Ce premier matin, nous fumes chanceux de nous faire prendre par une mère et sa fille sur la route à peine cinq minutes après avoir pris position sur le bord du chemin. Elles étaient originaires d'Argentine et la mère était venue voyager quelques jours avec sa fille, Maria, avant leur retour. Maria avait vécu ici pendant une année et nous livra ses conclusions sur son appréciation du pays. Nous voyageâmes en leur compagnie toute la journée jusqu'à arriver au village de Punakaiki. Le soir venu, la pluie semblait décidée à nous laisser un court répit, aussi nous allâmes voir les pancakes rocks qui faisaient l'attraction de la ville. 

Le jour suivant s'avéra plus compliqué en terme de démarrage. Nous dûmes attendre deux heures sous une pluie battante qu'un voyageur ne partage sa route avec nous. Balayé par le vent et la pluie, cette attente le pouce tendu nous parut interminable. Ce ne fut qu'au moment où nous nous arrêtâmes à rénoncer pour de bon qu'un couple s'arrêta pour nous. Ils venaient de la grande cité de Londres et étaient habitués à rouler vite, très vite. Et dans des routes de montagnes, avec de nombreux virages sinueux, cela peut s'avérer un exercice périlleux pour l'estomac. Ils nous laissèrent quatre heures plus tard, un peu tremblant, sur le bord de la route alors que nos destinations divergeaient. C'est ainsi que nous rencontrâmes les voyageurs de l'est. Zoé et moi sommes les voyageurs de l'ouest, c'est de cette manière que nous avons défini notre odyssée. Notre quête est l'Ouest. Dans ce véhicule, nous fîmes la rencontre de nos opposés. Les voyageurs en quête de l'Est. Partis du royaume Germanique, et nous du royaume de France, c'est à l'autre coté monde et au milieu de nos voyages que nous nous rencontrâmes. Comme nous ils faisaient un tour du monde d'une dizaine de mois sur trois continents en quête d'un idéal. Il n'y eu que peu d'échanges entre nous. Parce que parfois les choses sont claires d'elles-mêmes sans avoir besoin d'être dites. Tout quatre savions ce que nous faisions là, en ce lieu, en cet instant et rien n'avait besoin de venir s'ajouter à ça. 

Après un peu de repos, et le séchage de nos vêtements dans la ville de Nelson, nous tendîmes le pouce une dernière fois pour notre dernière destination de l'ile du sud. La ville de Picton où l'en embarquerait à bord du bateau pour l'ile du nord et une tout autre aventure. Nous ne le savions pas encore à ce moment, mais notre manière de voyager en Nouvelle-Zélande allait changer totalement lors de notre arrivée. Mais cela est une autre histoire. 

Seb