Et voilà, ce qui devait arriver, arrive. Il est pour moi temps d'écrire mon dernier article de ce voyage. La semaine prochaine Zoé et moi feront un article à quatre mains pour marquer la conclusion de notre épopée de dix moi autour du monde - et peut-être un autre article après ça pour faire un épilogue. Mais occupons-nous du temps présent et de cette nouvelle semaine passée en Inde. Nous sommes présentement dans la ville de Bangalore, dernière étape de notre itinéraire dans ce pays. Et pour arriver jusque-là, nous avons fait une jolie boucle dans l'Inde du sud à travers le Tamil Nadu. Nous avons décidé de restreindre notre itinéraire à l'Inde du sud et ne pas partir dans tous les sens à travers le pays pour deux raisons. La première est que le temps de trajet d'un endroit à l'autre est extrêmement long. Pour rappel, il nous aura fallu douze heures pour relier la ville de Kochi à Madurai. La seconde raison, est que nous sommes simplement fatigués. Ces dix mois de voyage et de mouvement perpétuel nous ont épuisés. Nous n'avons plus les ressources physiques et mentales que nous avions lorsque nous avons entrepris cette aventure. Donc plutôt que de se crever davantage et de ne pas apprécier ce que nous faisions, nous avons réduit notre parcours, nous disant que de toute façon nous reviendrons dans ce pays pour en découvrir les lieux que nous avons laissés de coté.

Il y a une semaine donc, nous nous réveillons dans la ville de Madurai pour prendre le train en direction de la ville de Tiruchirappalli. La distance séparant notre hôtel de la gare était uniquement de 1,5 kilomètres. Rien que nous n'ayons fait mille fois avec notre sac sur le dos pendant l'année. Mais 1,5 kilomètres, dans une petite ville indienne peut se révéler un véritable parcours du combattant. Déjà il y avait le vent, soulevant des nuages de poussière et de saleté dans la rue. S'engouffrant dans nos yeux, nos cheveux et nos vêtements. Il y avait la folie de la circulation. Anarchique comme dans aucun autre pays du monde. Ici, pas de feu au carrefour, pas de rond point, pas de céder le passage. Pas même de sens de circulation. Vous savez ce truc présent dans tous les pays qui fait qu'il y a une voie qui circule dans un sens et l'autre dans le sens opposé. Pas de ça sur les route indiennes, non. Ici, on double à droite, à gauche. Quand il y a deux voies, on en occupe trois. Quand un véhicule arrive en face, on klaxonne et on s'évite de peu en roulant sur les bas cotés. Il faudrait un schéma pour expliquer le chaos de la circulation, et encore cela rationaliserait quelque chose qui n'est aucunement cartésien. Ce qu'il faut savoir c'est que des centaines de voitures, bus, taxis, touc-toucs et motos foncent à toute heure hurlant, vrombissant, klaxonnant, fumant, tous dans des directions différentes se heurtant au passage à des éléments plus lents tels que des vaches, des chèvres, des vélos ou des mecs poussant d'immenses chargements sur des chariots ou carrioles. Quand à vous, il vous faut faire votre route à travers tout ce joyeux bazar. Car peu importe que vous soyez piéton ou à bord d'un véhicule, vous êtes sur la route avec tout ce petit monde dans tous les cas. Eh oui, les trottoirs n'existent pas ici. Ou disons plutôt que dans les rares moments où il y en a, les motos et touc-toucs roulent dessus, ou la zone est investie pour diverses raisons.

Il est donc 10h 30, vous venez de quitter votre chambre dans l'idée de faire un trajet en train de cinq heures, vous avez votre sac sur le dos - le vent souffle - et vous devez faire votre chemin dans tout ce bordel. Ah! Et il fait 38°C. Le temps d'arriver sur le quai, la petite chose fraiche, propre et reposée que vous étiez en quittant l'hôtel, n'est plus qu'une boule de nerfs suante couverte de poussière et sentant les gaz d'échappement et les diverses autres odeurs de la rue, à qui il reste toute une journée de voyage à faire pour atteindre sa destination. Heureusement, le train est un moyen confortable de voyager dans ce pays. Si toutefois on ne prend pas la catégorie la moins cher. En fait, il existe plus de six catégories dans les trains indiens, qui vont du wagon sans siège à la première classe luxueuse en passant par une seconde classe comparable en tout point à nos TERs et par différents types de couchettes. Nous nous retrouvâmes donc tous les deux installés sur une couchette sous une large fenêtre dans un wagon fréquenté par des hommes d'affaires et des petites familles. Comme chaque fois que nous avons pris un train dans ce pays, nous sommes parti à l'heure. Alors que nous commencions à prendre de la vitesse sur les rails, nous passâmes sur un pont surplombant ce qui devait être le lit d'une rivière asséché dans lequel jouait un groupe d'enfants. Ils couraient follement après un ballon dans de petite marres boueuses. Plus loin, un groupe de femmes avaient installé des lignes pour faire sécher le linge. Au plus proche de nous, une vache blanche dont une corne était peinte de rouge et l'autre de bleu broutait de l'herbe et des restes de nourriture dans un sac plastique abandonné avec d'autres déchets plastiques qui constellaient l'ensemble du décor. Voir le paysage défilé derrière la fenêtre, alors que le train avance à son faible rythme, me rappel incontestablement la Chine. Quel que soit le décor, ville, village, campagne ou nature sauvage, des déchets de la civilisation humaine viennent l'entacher.

Cela était moins flagrant en Malaisie, même si, il faut bien l'admettre, les mêmes règles de saletés s'appliquaient aussi dans la plupart des endroits. Restera gravée dans nos mémoires une anecdote immonde qui eut lieu lors d'une de nos déambulations à Kochi. Nous nous étions arrêté sur un petit pont surplombant une rivière, sur laquelle flottaient deux petites embarcations de pêche. Les hommes vérifiaient leurs filets et matériels avant de quitter l'embouchure et rejoindre la mer. Alors que nous prenions des photos, une moto s'est arrêtée à notre niveau. Le passager à l'arrière a mis un pied à terre et a balancé par-dessus le garde-corps deux sacs plastiques remplis de déchets divers. L'un d'eux à éclaté en touchant la surface de l'eau, répandant ainsi son infâme contenu à la surface. Le passager est remonté sur la moto et, dans l'indifférence générale, ils sont reparti. Je ne sais pas pourquoi cette anecdote plus qu'une autre. Nous avons été témoins de ce genre de pratique un nombre incalculable de fois en Chine, où , par exemple, ils jettent leurs bouteilles vides et emballages plastiques directement depuis la fenêtre du bus en marche. Cette surabondance de pollution pourrait, le croirez-vous, nous décourager. Laissez moi vous dire que c'est justement le contraire. Cela me donne envie de faire plus en terme de recyclage en rentrant. Cela me donne envie de faire tout ce que je peux pour produire le moins de déchets. Si on veut critiquer une pratique, il faut être irréprochable soi-même, sinon on est juste ridicule. Je suis fatigué de voir que le plastique semble être devenu l'élément le plus commun dans le paysage.

Mais ne nous laissons pas entacher le moral et revenons à notre voyage car nous arrivons maintenant dans la ville de Tiruchirappalli - Trichy pour les intimes. Nous avions choisi cette destination à cause de l'un de ses temples connus sous le nom de Rock Fort. Ah oui, petite parenthèse linguistique. Les Indiens ont la tendance à modifier l'ordre des mots anglais. Pour exemple en Inde, vous ne demanderez pas au restaurant "a bottle of water", mais "a water bottle". Donc selon la même logique, ce qui serait logiquement pour nous "Fort Rock", sonne maintenant comme un fromage français. Il s'agit d'un temple hindou grimpant depuis le sol, suivant son flanc et jusqu'à son sommet.  Son nom indien est Ucchi Pillayar Kovil et il est dédié aux divinités Shiva et Ganesh - qui y ont chacune leur temple. Là, nous avons fait la rencontre de Tamila, un guide touristique à la recherche de curieux à qui faire visiter certaines parties de la ville contre salaire. Nous sentant d'humeur justement curieuse et ayant envie de pouvoir poser des questions sur certains détails de l'iconographie religieuse et des comportements et expressions indiennes, nous avons donc marchandé avec lui pour arriver à un prix qui nous satisferait tous les trois. Nous sommes arrivés à un accord et avons commencé notre visite.

Il nous a d'abord fait un petit cours de culture religieuse. Le panthéon hindou étant un peu complexe avec les notions de divinités majeures et mineures, de leurs avatars et des devas. Je soulignerais simplement, comme dans la religion Chrétienne, on retrouve le principe de divine trinité sous la forme de Brahmâ, Vishnu et Shiva. Après les choses se compliquent quand on commence à ajouter les femmes, les enfants, les "véhicules", etc... Donc Brahmâ, le créateur; Vishnu, le prédicteur et Shiva, le destructeur - voilà, pour la base. Si vous êtes plus curieux sur le sujet, le plus simple est de trouver un bon livre qui en fait le récit ou de venir faire un petit tour ici. 

Il nous a ensuite conduits dans un temple dans lequel certains hommes, femmes et enfants se faisaient raser intégralement la tête - je dis intégralement car pour les hommes cela inclut barbes et moustaches (pour certaines femmes aussi, d'ailleurs) - et recouvrir le crâne d'un pigment jaune. Cette coutume est pratiquée dans plusieurs cas tels que le baptême, le mariage, le deuil. Elle peut être pratiquée aussi pour remercier les dieux qui nous ont accordé le succès - en réponse à une prière - face à un examen ou la guérison d'une maladie. Vous allez rire, mais je trouve que cela ne manque pas de sens. Le fait de se raser le crâne fait qu'on se débarrasse symboliquement d'un marqueur témoin d'un état et que l'on fait une sorte de remise à zéro. Ayant personnellement la phobie de devenir chauve, je ne me verrai pas me faire raser le crâne de peur de na jamais récupérer mes cheveux, mais je trouve que cette pratique a beaucoup de sens. Tamila nous expliqué que généralement, les femmes d'un certain âge ne se font pas raser le crâne et dans ce cas la famille offre une vache au temple. Vous avez sûrement vu nos photos de cette visite sur le blog, les voilà donc expliquées. Avec beaucoup d'amusement, au moment où nous avons posté ces photos, nous avons, avec Zoé, trouvé un article de presse français montrant cette pratique indienne - avec la photo d'un enfant en pleure en train de se faire raser - et titrant : "Gens rasés de force en Inde pour le commerce de perruques." On a vu des commentaires indignés des gens soulignant que c'était n'importe quoi. Il y a décidément beaucoup de rumeurs et de clichés qui sont véhiculés sur l'Inde que l'on trouve soudainement très drôle une fois qu'on est dans le pays. Ceci étant dit, pour créer un équilibre dans cette histoire - et comme notre guide nous l'a dit - aucune raison de gaspiller des cheveux en bon état. Bref, une fois rasé, selon le motif, il y aune cérémonie rituelle avec un prêtre et purification dans l'eau du fleuve. Vous vous souvenez de l'histoire de la moto et dans sacs poubelles, on parle de la même eau purificatrice.

Nous avons ensuite suivi notre ami Tamila chez son cousin pour boire un verre. Avant cela, il nous avait montré les fruits de marbousier dont on récupère l'huile pour faire un puissant laxatif. Il nous a aussi raconté que : une pratique voudrait que si on va contre la volonté d'un Indien, il vous offre un verre en prétendant faire ami-ami, verse quelques gouttes d'huile dedans, vous fait boire, feint un appel et vous laisse vous vider de vos boyaux. Voilà, et c'est après cette anecdote que ce petit moustachu nous invite à boire un thé chez son cousin. On s'est alors souvenu qu'on avait bien marchandé le prix avec lui et que peut-être l'avait il mal accepté. Mais nous ne l'avions par encore payé, alors il y avait quand même peu de chance. Mais quand même, pourquoi nous raconter ça avant de nous offrir un verre à boire. Moi j'ai plus soif maintenant. Enfin si, un peu. Surtout que le cousin en question, bah, il tient une boutique. Eh oui, et lui, il veut nous vendre des trucs qu'on veut pas. Donc on dit, non! Et on se dit qu'on va avoir le droit à l'huile de marbousier et que notre dernière paire de sous-vêtements va être ruinée. Heureusement, on nous demande ce qu'on veut boire. Pas fous, on demande des water bottle et on vérifie bien d'être les premiers à les ouvrir.

Après cette petite pause, pas reposante, on suit Tamila dans le temple Sri Ranganathar Swamy, dans les hauteurs et les tréfonds. On écoute ses blagues et ses histoires. Il nous fait la démonstration de gestes du langage corporel indien. Parce-que, par exemple, les Indiens ont coutume de dodeliner de la tête pour dire : "oui" et non, de l'agiter, comme nous, de haut en bas. Les premières fois ce geste nous avait laissés un peu interrogatifs. Comme il nous avait expliqué la logique des nombres dans l'architecture religieuse, lorsqu'il commença à nous demander pourquoi un mari offrait à sa femme des saris de 3m, 6m, 9m et 12m, on se racla un peu la soupière avant de répondre qu'on n'en savait rien. Il pouffa de rire et nous dis : "Parce qu'elle devient grosse avec l'âge." Et il partit d'un rire entendu, qu'on imita pour ne pas l'offenser. Nous naviguâmes dans le temple pendant une bonne heure, nageant entre informations culturelles et petites blagues de gouts divers. On finit par s'assoir et prendre quelques notes sur les différentes choses vues dans la journée. Enfin, il attire notre attention sur un détail des gopurams - portes des temples - les petites représentations de personnages dans des positions du kamasutra. Ainsi se conclut notre visite guider. Il est maintenant temps de se quitter. Il décide de nous faire quelques petits cadeaux avant son départ. Il nous offre des piments séchés, des biddies et deux sachets d'épices. Après cela, nous dûmes dealer le retour à notre hôtel avec le touc-touc. Ce dernier avait carrément commencé par nous demander 500 roupies, ce qui est un prix exorbitant pour un trajet. Nous l'avons fait descendre à 150 roupies, ce qui reste qui n'est évidemment pas le prix proposé aux locaux. On a toujours peur de les vexer un peu en marchandant comme ça, je comprends qu'ils essaient de nous soutirer plus et dans le fond je pense qu'ils comprennent qu'on n'est pas envi de se faire prendre pour des pigeons. Mais une fois qu'on est à bord de la machine qui fonce à travers routes et chemins sans la moindre sécurité et qu'on le voit emprunter une piste à travers la brousse. On se demande si on sait vraiment ce qu'on fait à discuter le tarif avec quelqu'un qui pourrait nous larguer n'importe où sans que personne ne le sache jamais. Mais non, chaque petit moment de doute à été éconduit par une arrivée à bon port et le paiement souriant de la somme convenue avant le départ.

Chaque voyage en touc-touc n'a pas toujours été honnête pour nous. L'un d'eux m'a vraiment mis en colère en nous demandant beaucoup trop pour une distance ridicule et je me suis pris le bec avec lui. Il est marrant de constater comme une personne peut soudain décider d'oublier qu'elle connaît l'anglais et feindre l'incompréhension totale. Cela m'agace de savoir que certains nous demandent systématiquement le double ou le triple du prix qu'ils font payé aux Indiens pour le même trajet. Cela m'agace aussi de savoir que même après avoir négocié, on paye relativement plus cher que ce qu'on aurait dû. Mais bon, on aime bien les balades en touc-toucs et puis à part deux mecs que je retiens particulièrement pour s'être considérablement fichu de nous - et donc avoir eu une discussion animée avec eux - la plupart sont vraiment charmant. Lorsque vous vous promenez dans les rues le soir, dans les villes, vous pouvez voir que nombre de chauffeurs de touc-toucs dorment dans leur véhicule, mangent dans leur véhicule, bref vivent dans leur véhicule. Alors vous devez vous dire : "Mais Seb, comment oses-tu négocier avec ces pauvres gens qui vivent dans la misère le prix de ta course?" La réponse est simple. Ce ne sont pas ces chauffeurs-là qui nous proposent des prix exorbitants. Non, eux nous proposent des prix, généralement, en dessous des 100 roupies et on ne négocie jamais avec eux. En fait, comme ils sont souvent très sympathiques, on a tendance à rajouter un petit billet. Non, ceux qui nous balancent les gros prix sont proprement vêtues, bien lavé et propriétaire de plusieurs véhicules et chauffeurs. Ils négocient le prix en bande et ne font pas forcément la course eux-mêmes. Ils sont postés en première ligne dans les gares, les stations de bus et les sites touristiques et viennent vous solliciter directement. Une fois que nous avons eu compris la différence existant entre ces deux groupes, nous avons commencé à prendre soin d'éviter l'un et d'aller à la recherche de l'autre. Ce n'est pas toujours évident, car ils ne parlent pas forcément bien anglais, mais nous préférons tout de même avoir affaire à eux. Maintenant attention, c'est quelque chose que nous avons remarqué à force de pratique dans les villes où nous sommes allés. Je ne saurais dire si cette constatation est une vérité générale qui peut être étendue à l'ensemble du pays, car je n'en sais rien. Il y aurait sûrement plus de nuances à apporter au sujet, mais tel aura été notre expérience personnelle pour notre boucle en Inde du sud.

Et puis, il faut être honnête. Avec Zoé, on adore vraiment prendre les touc-toucs. Grimper à bord de ce petit engin muni d'un moteur de tondeuse à gazon, fonçant à toute allure à travers la circulation sans la moindre sécurité conventionnelle pour les passagers.  

Bref, il était temps de prendre un peu de repos après notre visite dans la chaleur indienne. Aussi nous décidâmes de nous poser un peu dans notre chambre pour baisser en température avant de sortir pour le dîner. Notre chambre étant muni d'une télévision, nous décidâmes de nous lancer dans un tour de zapping afin de découvrir la télé indienne. Il existe, comme aux États-Unis, un nombre incroyable de chaines. Beaucoup d'entres-elles d'ailleurs passent des films américains en provenance directe d'Hollywood. Il est d'ailleurs quelques petites choses curieuses que nous avons notées à ce propos. Tout d'abord chaque film est précédé d'une bannière de propagande anti-alcool et anti-tabac prétendant qu'aucun des acteurs du film ne soutiennent le fait de boire ou de fumer. Ce qui est un peu drôle comme texte avant un film avec Johnny Depp ou Robert Downey Jr. Eh oui, j'utilise carrément le mot "propagande" car il y a une différence, selon moi, entre déconseiller une pratique et d'utiliser des textes et images pour forger les esprits d'une manière qui semble appropriée au gouvernement. Ensuite tous les gros mots sont coupés au son et aux sous-titres et tous les gestes insultants ou violents sont coupés au montage. ainsi que les plans jugés trop graphique. Les marques d'alcool et les bouteilles sont floutées, ainsi que certaines parties dénudées. Les films sont remixés avec des critères sonores très différents des nôtres pour un résultat parfois étrange. Bref, on constate que certains sujets ici sont soumis à la censure. A se demander dans certains cas s'il valait vraiment le coût d'acheter le film pour l'exploiter sur le territoire tant le résultat tien du massacre. Ce qui est un peu étrange lorsqu'on voit les petits personnages avec des sexes en érections, ou se livrant à différentes positions sexuelles, qui sont sculptés et colorisés aux portes des temples à la vue de tout le monde.

Dans la soirée, nous sortons pour un restaurant végétarien et mangeons des Dosas qui nous rappelle étrangement les galettes bretonnes. Surtout le Dosa au chocolat, soi-disant à destination des enfants. Puis sale et fatigué, nous décidons de rentrer dormir, car le lendemain nous devions gagner la ville de Pondicherry. Cette aventure devait se révéler plus complexe que la précédente puisque nous étions dans l'impossibilité de faire le trajet en train. Tout d'abord, il n'existait pas de direct. Ensuite, le trajet que nous avions imaginé - passant par Villuparam - était impossible car aucune place n'était disponible de la journée. Nous devions donc trouver une autre solution pour rejoindre notre prochaine étape. Un vieil homme, nous voyant sortir de la gare avec la mine déconfite, est venu nous demander où nous cherchions à nous rendre. Il nous a alors indiqué que des bus du gouvernement partaient pour chennai tous les quarts d'heure depuis le bus stand plus haut dans la rue et qu'on pourrait sûrement convaincre le chauffeur de nous déposer sur la route dans la ville de notre choix.

Nous nous mîmes donc en route vers la station de bus pour découvrir une sorte de parking en voirie où se trouvaient des dizaines de bus de différentes couleurs avec des inscriptions en Indiens. A peine, nous avions eu le temps de commencé à chercher qu'un jeune excité nous est tombé dessus et nous a invectivé de le suivre en nous demandant où on voulait aller. Il nous à conduit à un mec à l'entrée d'un bus dans le pare-brise vantait une climatisation et une télé couleur. Ils ont blablaté dans leur langue avant de s'adresser finalement à nous en anglais pour nous demander de monter. 
On lui a demandé si le bus allait à Pondichéry. Il nous a dit que non. On lui a demandé si le bus allait à villuparam.
Il a dit que oui, enfin... Plus ou moins... Il faudrait descendre à machin et à truc, pour arriver là et enfin prendre un bus pour Pondichéry. Mais que dans tous les cas, on montait dans son bus.
On a dit non. On monte pas dans le bus parce qu'on comprend rien à ce qu'il dit. 
Il dit, soudain, que le bus va à Villuparam et que ça va nous coûter 800 chacun et que de là son copain nous mettra dans un autre bus pour Pondichéry.
On lui dit qu'on n'aime pas son histoire parce qu'on ne comprend rien à l'itinéraire de son bus. 
Il boude. 
On lui dit aussi que 800 chacun, c'est trop cher. Parce qu'un vieux nous a dit que les bus était moins cher que ça. 
Lui et ses copains boudent. Ils nous disent de monter dans le bus. 
On dit non. On dit qu'on s'en va maintenant. 
Ils nous gueulent que si on ne monte pas avec eux on va rester coincé ici. 
On les ignore et on s'éloigne. 

On s'approche des bus verts et on remarque que les hommes qui les opèrent ont tous la même tenue. On se dit que ça doit être ça les bus du gouvernement. On demande à un type, qui nous pointe la direction de son copain. On demande à son copain qui nous dit "pas de problème" et que ça nous coûtera 120 roupies chacun pour nous rendre à Villuparam et trouver notre bus suivant. 

On monte à bord de ce bus vert, tout fatigué, avec d'autres Indiens. Tout le monde paye le même prix. Et on se met en route. Pas de climatisation dans ce bus. Pas de vitres aux fenêtres d'ailleurs. Notre chauffeur slalome à toute allure d'un côté et de l'autre de la route pour esquiver les autres véhicules, les vaches qui dorment ou se balade sur la route, les troupeaux de chèvres et les barrages de police. Aux péages, des vendeurs de fruits, de légumes, de chips et autres denrées alimentaires se pressent contre les fenêtres pour vendre leurs produits. Certains grimpent à bord pour circuler dans l'allée centrale pour vendre de l'eau ou des pois frits servis dans des cônes de papier journal. Il fait chaud, très chaud. Les haut-parleurs diffusent à saturation de la musique pop locale. Mais en trois petites heures, nous sommes arrivé à destination. Là, on trouve un autre bus en direction de la ville suivante. Celui-ci est beaucoup plus plein que le précédent et plus rouillé. Des gens sont debout dans l'allée centrale. Zozo ne quitte pas des yeux la femme assise au-dessus de son sac à dos. Oh, rassurez-vous bonnes gens, pas à cause de la peur du vol, non. Non, c'est juste que ladite femme semble malade. En fait, elle semble même sur le point de vomir dans peu de temps. Quand toutes vos affaires se trouvent dans un sac sur lequel quelqu'un pourrait soudain vider son estomac, il est normal de se sentir anxieux. Heureusement, avant que l'inévitable ne se produise. La malade eut le temps d'attraper un sac plastique pour vomir dedans. Elle prit cinq minutes pour le remplir. Le noua. Et arriva, ce qui semble toujours arriver à un sac plastique dans ce pays, elle le jeta par la fenêtre. Elle se rinça la bouche avec une bouteille de jus de mangue chaude et se lança dans un monologue colérique en indien qui dura jusqu'à notre arrivée. Les gens commençaient à rigoler, un peu gêné, à mettre ce qu'ils pouvaient de distance avec elle, à regarder dans d'autres directions. Bref, ce trajet en bus fut long, très long.

Le jeu en valait heureusement la chandelle. Pondichéry est une ville très sympathique dont le quartier français sur le front de mer est très reposant. Ici, les klaxons y sont interdits. Et je peux vous assurer que d'un coup, l'absence de bruits de klaxons allège considérablement le paysage sonore. Nous avons déambulé, plus que nous avons visité, dans cette ville. Nous avons pris le temps d'être ensemble et commencer à ralentir le rythme. C'était la première fois que nous commencions à vraiment sentir la fin venir. Nous avons donc décidé d'embrasser cette sensation et de travailler à notre retour et avons discuté de nouveau à notre stratégie.

Nous avons aussi pris le temps de laver nos vêtements et nous sommes rendu compte d'à quel point nous sommes fatigués et avons hâte de rentrer nous poser un peu. Je veux le luxe de sous-vêtements propres tous les jours. Les miens sentent une odeur que j'associe étrangement à la salade de fruits en boîte. La sensation de ne pas enlever une couche de ma propre peau au moment d'enlever mon pantalon et ma chemise. La première fois que nous avons lavé nos vêtements dans un lavabo était à New York. Il y a dix mois. Donc là, maintenant, J'annonce : on est fatigué de ça. Et en plus, ici, on a absolument aucun autre choix qui s'offre à nous. On doit faire tremper nos vêtements au moins trois fois pour réduire la couche de gras qui flotte en surface de l'eau de trois centimètres à un demi. Parce que l'éliminer totalement est impossible. 

Autre chose, Zoé et moi aimons beaucoup la nourriture indienne. Zoé éprouve un véritable amour pour certains plats. Mais, là maintenant, on serait prêt à tuer pour manger des choses simples qu'on trouve en France. Je veux une baguette qui croustille, du beurre salé, du comté, du saussison. J'aimerais aussi pouvoir croquer dans un fruit sans avoir à me poser de questions. Cela fait depuis trois mois que nous devons faire attention à différents détails sur ce que nous consommons. Et sachant que ce moment touche à sa fin, nous devenons vraiment impatient. Mais heureusement, nous avons trouvé un petit café, tenu par une française, faisant des sandwichs de baguette, thon mayonnaise, très bons. Pour un soir, nous avons trouvé une pizzeria avec un four à bois. Nous nous sommes commandé une bonne grosse pizza, tandis qu'un groupe de cinq jeunes se commandaient la plus grosse pizza que j'ai jamais vue de ma vie. Elle devait être large comme une roue de tracteur et a fait sensation lorsqu'ils l'ont apportée dans le restaurant. De l'autre côté, une jeune fille essayait de comprendre le fonctionnement du couteau et de la fourchette, tandis que son copain en face d'elle avait décidé d'opter pour la solution de simplicité et de manger directement avec les mains. Quand à nous, nous avions opté pour une pizza dessert pour succéder à la pizza plat principal. Nous avons donc demandé la calzone au chocolat. 

Repus et contents, nous sommes allé nous promener sur la plage et nous sommes installés à regarder l'océan derrière le mémorial de Gandhi. Et bien vite, le moment de quitter Pondichéry est arrivé. Nous sommes monté à bord d'un nouveau bus, tout rouillé, en direction de la ville de Chennai. Dernière étape avant d'arriver à Bangalore. Pour ce bus, même schéma qu'avec le précédent. Chaleur, vendeurs de fruits et autres, musique très forte, conduite dangereuse. Bref, un trajet classique en Inde. Si ce n'est qu'à un moment le bus fut arrêter pour un contrôle de police après un péage. L'homme avait l'air de chercher quelque chose de précis et semblait décidé à fouiller les bagages de tout le monde au moment de monter. Zoé et moi avions nos gros sacs installés entre nous. Cela nous sembla sur le coup évident qu'on allait nous faire descendre du bus pour nous fouiller nos affaires. L'homme a ouvert les sacs des personnes derrière nous et leur a demandé leur pièce d'identité. On a décidé de se préparer à tout et on s'est donc réparti une petite somme en billets dans nos poches afin d'inclure un peu de poids dans nos passeports en cas de besoin. Toujours derrière nous, Il a fait descendre deux mecs avec leurs affaires qui furent réceptionnés par ses collègues à la sortie. Quand il a décidé de faire descendre une femme avec toutes ses affaires, on s'est dit que c'était évident et qu'on allait y avoir droit. Il est passé à notre niveau, nous a regardé. L'échange de regards nous a semblé interminable. Il passait de zoé à moi en boucle. Il regardait nos deux gros sacs de voyage avec leurs capotes orange, comme deux énormes bonbons trônant sur nos sièges. La chaleur nous faisait suer à grosses gouttes. Comment cela allait-il se passer? Allions-nous descendre? Devoir vider nos affaires? Négocier ou marchander avec les flics? Trouver un moyen de locomotion après? Il nous a regardé... Et est passé à un autre. Juste comme ça. Il est passé à un autre. Il a fait descendre encore cinq autres personnes du bus, mais pas nous. Par une forme de miracle incroyable, ou une autre preuve de la chance insolente que nous avons depuis le début de notre rencontre, nous sommes passé au travers et avons continué notre route pour Chennai.

Après cinq heures de voyage, nous arrivâmes dans une petite auberge offrant pour toute salle de bain une pièce sale avec des toilettes et un seau sous un robinet. On s'est lavé tant bien que mal, difficile de se débarrasser de toute la crasse et la sueur d'une journée de voyage dans ces conditions. Mais nous avons fait au mieux avec ce que nous avions. Par la suite notre petit temps à Chennai a surtout été occupé par le moyen de rejoindre Bangalore par la suite. Zoé a succombé à l'appel du coiffeur alors que nous sommes passés devant un salon qui semblait de bonne facture. Nous nous sommes promené dans le centre historique et dans des parcs. Nous avons une fois de plus usé de notre moyen de locomotion favori et constaté que le temps se déroulait étrangement à l'approche de la fin. Semblant à la fois très longue et en même temps passant très vite. Alors une fois de plus le moment de prendre le train est venue. Cette fois pour la dernière ville de l'Inde et la dernière ville de ce voyage. 

A dans une semaine, 

Seb